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Réforme du permis auto : 10 propositions très éloignées de l'intérêt du candidat au permis de conduire auto.


Le rapport du Ministère de l'Intérieur vient de tomber, il synthétise 10 propositions du groupe de travail concernant les délais d'attente au permis de conduire. En réalité, ce rapport propose une remise à plat totale de l'apprentissage de la conduite en France et ouvre la porte à un permis encore plus cher pour les futurs candidats, explications…


Alors que Permis Pratique avait publié dès le 19 mars, dans l'article « Les délires secrets du Ministère de l'Intérieur... », les premières informations pour le grand public sur les propositions du groupe de travail concernant les délais d'attente au permis de conduire, d'autres fuites (mais une semaine après) avaient une lecture tout à fait différente de notre point de vue en apportant quelques bénéfices pour les futurs candidats et notamment la possibilité de commencer l'apprentissage de la conduite accompagnée à partir de 15 ans et d'offrir un permis moins cher.

C'est désormais officiel, le rapport du groupe de travail synthétise une dizaine de propositions visant à réduire les délais d'attente au permis de conduire et exactement comme nous l'avions révélé, déborde très largement de ce cadre et milite pour une remise à plat de tout le système d'apprentissage de la conduite en France. D'ailleurs même le rapport s'en explique ou s'en excuse dans un chapitre entier « Pourquoi avoir élargi le sujet ? De la question des délais d’attente à celle de la refonte du permis de conduire » qui explique que vouloir réduire les délais d’attente, c’est devoir accepter l’idée d’un changement total de paradigme (sic) sur le permis de conduire. Il n’est pas possible de faire l’économie d’une profonde remise en question des mécanismes qui permettent aujourd’hui l’apprentissage de la conduite et la présentation à l’examen du permis (re sic).

A la fin des 30 pages du rapport, vous trouverez les résultats attendus et indiqués dans cet ordre :

En termes de sécurité routière :
  • Un cursus plus complet avec des phases de formation de 14 ans jusqu’à l’obtention du titre définitif ;
  • Une formation préalable mettant l’accent sur la mobilité citoyenne ;
  • Une formation initiale en auto-école mettant l’accent sur les comportements à risque ;
  • Une formation post-permis montrant aux jeunes que l’apprentissage n’est pas achevé et permettant de parfaire leur apprentissage : un apprentissage plus long est un meilleur apprentissage ;
  • Moins d’accidents et de tués sur les routes chez les jeunes (en Finlande et Autriche : de 15 et 30% d’accidentés et de tués en moins)
 
En termes de délais d’attente :
  • La fin de la MNA (Méthode Nationale d'Attribution des places d'examen) telle que nous la connaissons actuellement qui veut qu'une inscription en auto-école = une place pour l’ETG (Épreuve Théorique Générale, appelée examen du "Code") = une place pour l’examen pratique
  • Un meilleur taux de réussite en 1ère présentation (dû à un cursus de meilleure qualité : amélioration de la formation, débriefing, place de l’examen dans le cursus)
  • Moins de 2ème, 3ème, et autres passages. Par souci de transparence, nous avons donc publié le texte intégral de la dizaine de propositions afin de vous offrir également la possibilité de vous forger votre propre opinion sur les projets de l'administration.

Nous avons publié le texte du rapport concernant le constat des délais d'attente d'une place d'examen au permis de conduire qui lui, reste un travail instructif et assez juste. Notre lecture dans l'intérêt des candidats est en revanche beaucoup plus critique sur le bénéfice de la dizaine de propositions qui laisse encore beaucoup trop de choses dans l'ombre ou oublie la réalité du candidat et du terrain.

Apprentissage de la conduite dès 15 ans (dans proposition numéro 7)

Le rapport insiste sur le développement de l'apprentissage anticipé de la conduite, notamment à partir de 15 ans. L'AAC n'est pas universel, c'est une formule d'apprentissage certes plus efficace, mais qui connaît aussi ses limites. Le rapport bute sur l'ASSR (Attestation Scolaire de Sécurité Routière) qui reste de la poudre aux yeux en matière de sécurité routière, la première proposition suggère donc une réforme de cette ASSR. Or, cette mesure ne présente aucun intérêt pour le candidat, si ce n'est de le mettre dans une filière d'apprentissage plus tôt et donc peut-être plus longue ?

Instaurer un droit à l'examen de 35 à 40 euros (hors proposition, mais dans le financement de la réforme)

Le rapport suggère notamment de rendre payant l'examen du permis de conduire avec une taxe de 35 à 40 euros, comme les 250 Francs demandés avant septembre 1998. Évidemment, à la charge du candidat. D'un autre côté, 35 euros pour avoir avoir un examen rapidement et à volonté, tous les candidats signent le chèque immédiatement.

La fin du forfait 20 heures de conduite (dans la proposition numéro 2)

Si mettre un terme à l'obligation des 20 heures minium est certes un point positif pour la relation candidat / auto-école, la mesure ne permettrait pas de réduire le coût du permis, car le contenu de la formation reste identique, et le rapport reconnaît que le nombre d'heures réellement prises est de 31 en moyenne.
Dans le même temps, la mise en place de formations après le permis pourrait faire augmenter encore le prix final du permis.

Réformer la période probatoire et le post-permis (dans la proposition numéro 5)

Le plus grand danger de cette proposition de réforme concerne bel et bien cette partie que le rapport laisse étrangement beaucoup trop dans le vague. Car si l'idée de la formation post-permis (après le permis) est une très bonne idée en soi, la mise en place de rendez-vous pédagogiques à un coût comme nous l'avons déjà indiqué.

L'autre volet du projet de réforme de la période probatoire est l'instauration de ce demi-permis qui ne dit pas son nom : « Cette période probatoire pourrait également être assujettie à des restrictions pour le conducteur novice : limitation de vitesse, baisse du taux d’alcoolémie autorisé, limitation de certaines situations de conduite, etc. ». Reste à savoir la réalité de ces "certaines situations de conduite". Car d'autres documents de travail indiquent que le projet pourrait concerner la possibilité de rouler la nuit, les week-ends, avec des passagers...

Introduire des heures théoriques obligatoires au titre de la formation initiale (dans la proposition numéro 3)

Sur le papier, la proposition de mettre des cours de théorie dans la formation (en plus de l'apprentissage du code) est bonne mais aujourd'hui encore beaucoup trop vague dans ce projet de réforme. D'ailleurs le rapport précise : « il reste a fixer le nombre d'heure nécessaires en étant attentif à l'impact de cette mesure sur le budget du candidat ». La fin des heures de conduite pourrait en réalité être largement compensée par l’obligation de suivre des cours théoriques.

Certifier les auto-écoles et améliorer le permis à 1 euro par jour

Certifier les auto-écoles est une bonne idée, notamment en instaurant une garantie financière obligatoire, permettant de sauver les dossiers des candidats en cas de fermeture de l'établissement. Reste à connaître le contenu de cette certification car c'est obligatoirement le client de l'auto-école qui payera les critères de certification, et si enfin l'examen du permis de conduire sera accessible sans délais ni disparité géographique, questions qui restent à l'origine de beaucoup d'échecs ou de de désengagement dans l'obtention du permis de conduire voiture. Dans ce contexte, le permis à 1 euro ayant très largement montré ses limites en étant simplement un prêt à taux zéro, ne devrait pas, même épousseté, rendre le permis moins cher.

L'avis de Permis Pratique

Les propositions de ce nouveau rapport offrent malheureusement une vision beaucoup trop imprécise de son projet de réforme pour que le candidat puisse y trouver une véritable solution de facilité à l'accès au permis. Ce rapport au « masque républicain » magnifique contient en revanche beaucoup trop de pièges pour rendre le permis de conduire encore plus cher, plus inaccessible, et mettre le candidat dans un parcours plus longtemps et débutant plus tôt tout en étant totalement liberticide lors de ses premières années de conducteur. Étrangement, personne dans le groupe de travail, à commencer par les associations de défense des consommateurs présentes, n'a encore trouvé de quoi s'inquiéter.

Vendredi 25 Février 2022
Christophe Harmand et Nina Belile



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